Au fil des entretiens, de lectures et de réflexions sur le sujet, sept facteurs se sont dégagés auquel nous devons prendre en considération.
- Premièrement, la télévision mobile est appelée à connaître un succès auprès des Français. Elle deviendra en fonction des services de communication audiovisuelle diffusés, une « télévision mobile populaire» [1] ;
- Deuxièmement, la télévision mobile, publicité incluse, convergera avec les services déjà existants (applications, « widgets», liens hypertextes, plateformes) et les services interactifs futurs [2]. Cet ensemble média comprendra les offres de géo-localisation (GPS [3], AGPS, fonctionnalités « Bionic Eye », « Nokia MARA », « Google near me now », « Google Latitude » et « Facebook Places » [4]) qui croissent de manière exponentielle sur le marché des technologies mobiles ;
- Troisièmement, la publicité retransmise sur la télévision mobile, par les conditions de visions très différentes de la télévision classique (qui évolue vers des écrans en haute définition et des écrans en relief [5], aux diagonales de plus en plus larges), justifie un traitement spécifique. Les thèmes visuels des publicitaires (sentiment d’évasion/d’émotion, écriture numérique, slogan, ergonomie cognitive, manière dont les signes s’organisent) voient leurs impacts réduits sur des écrans inférieurs à 4 pouces. Son utilisation va donner de nouvelles habitudes, des chemins de lecture visuelle et auditive plus similaire au média Internet ;
- Quatrièmement, la tendance, ou plutôt devrions nous dire la tentation à la publicité par ciblage comportemental ou à la pratique du « stalking » [6], mise en alerte par la Commission européenne et la Cnil [7], n’apporterait pas de réponses viables et serait considéré de manière intrusive pour les utilisateurs [8] ;
- Cinquièmement, dans le cas d’un déploiement d’une offre géo-ciblée, les zones de couverture des sites émetteurs sont en adéquation avec les zones de chalandises de la plupart des enseignes représentées sur le média télévision ;
- Sixièmement, qu’il serait dangereux pour les modèles économiques des médias de manquer le créneau du marché local, visé par des grands groupes américains. Ces derniers offrant des vecteurs publicitaires à des annonceurs jusqu’ici d’une trop faible taille pour accéder aux médias nationaux.
- Septièmement, la mise en place de la télévision mobile, quant à la construction du réseau, qu’à la création de contenus spécifiques, nécessite des revenus additionnels immédiats.
Nous avons ainsi évalué que la publicité audiovisuelle différentiel, notamment géo-ciblée, aurait sa place dans l’environnement de la télévision mobile. Elle permettrait de proposer aux annonceurs, une redistribution de l’espace publicitaire en fonction de la localisation des sites émetteurs. Ces derniers auront la possibilité de personnaliser leurs publicités avec l’apport de la localisation (rajout de données sur l’emplacement de l’enseigne, adaptation aux spécificités du marché cible, prolongement de la théâtralisation de l’espace de vente, réponse aux désirs de conversation et de proximité des clients). Cette publicité audiovisuelle géo-ciblée convergerait avec des applications interactives, notamment tactiles, afin d’accompagner la relation utilisateurs-points de vente.
Il apparaît donc important dès aujourd’hui d’assumer de manière courageuse et conséquente les choix relatifs aux futurs modèles publicitaires, d’instaurer le dialogue entre les acteurs, de lever les tabous, de désamorcer les craintes, de mettre en mouvement les forces en présence afin de ne perdre l’initiative face aux développements croissants de la publicité sur les terminaux mobiles et de donner de réels moyens à la télévision mobile, d’être une offre rentable et pionnière.
Notes
[1] Terme utilisé par Cyril VIGUIER pour définir la télévision mobile.
[2] On sous-entend les services interactifs prévus dans les dispositions des articles 30-5 et 30-7 de la loi du 30 septembre 1986, modifié par la loi du 5 mars 2009.
[3] Le GPS (Global Positioning System ou Géo positionnement par satellite) permet de se localiser et de s’orienter grâce aux informations transmises par satellite.
[4] 10 à 12 millions de Français se connectent tous les jours sur Facebook, contre 7 millions de personnes en prime time sur TF1.
[5] Sony a lancé son premier équipement adapté à la réception de programmes audiovisuels en relief. Une chaîne de télévision en relief a émergé en juin 2010 par l’intermédiaire du groupe britannique de télévision par satellite British Sky Broadcasting (BSkyB). En France, Orange a proposé des premiers matchs de Roland Garros en relief sur un canal spécifique.
[6] La pratique du « stalking » désigne le harcèlement d’une personne à dessein et de façon réitérée, par l’envoie répété et non désiré de messages (spams commerciaux, pop-ups, impossibilité de « zapper »). Ce type de messages apparaît sur les plateformes vidéo du réseau « unicast » de quatrième génération.
[7] Alex TURK, président de la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés), martèle qu’« il y a urgence à ce que les acteurs de ce marché édictent une chartre déontologique, afin d’éviter les dérives et abus du ciblage comportemental », propos recueillis par Sonia DEVILLERS, extrait du quotidien Le Figaro, 20 août 2009.
[8] Le terminal mobile est perçu comme un objet individuel voir intime. Il s’est approprié un imaginaire sur le plan corporel (« On le porte sur soi »). Selon l’enquête « In fact », réalisée en juin 2009 par Synovate auprès de 8 000 propriétaires de téléphone portable issus de onze pays à travers le monde, dont la France : 75 % n’imaginent pas quitter leur domicile sans et 25 % avouent qu’ils préféreraient perdre leur portefeuille plutôt que leur portable. Nous pourrons approfondir ce thème en visualisant l’article « Le portable, même au lit », quotidien Aujourd’hui en France, 10 septembre 2009.