Suite à une consultation menée auprès de la Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC, ex DDM), de la Direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS, ex DGE), du CSA et de l’ARCEP [1], un arrêté technique fixant les caractéristiques de diffusion des services de Télévision mobile personnelle a été convenu. Ce texte retient les normes DVB-H et DVB-SH dont les signalétiques visuelles sont les suivantes :
L’arrêté technique fut signé conjointement entre Christine LAGARDE, ministre de l’Economie, des Finances et de l’Emploi, Christine ALBANEL, ministre de la Culture et de la Communication, et Hervé NOVELLI, secrétaire d’État chargé des Entreprises et du Commerce extérieur et publié au J.O. le 24 septembre 2007. Il avait été préalablement notifié à la Commission européenne en mai 2007, sans susciter de réelles difficultés.
Pour la bande de fréquences UHF [2], l’utilisation de la norme européenne de diffusion terrestre Digital Video Broadcast [3] – Handheld (DVB-H), déclinaison de la norme de la TNT (DVB-T) a été retenue. Le choix de cette norme, soutenue de manière constante par le Forum TV Mobile [4] devenu Forum Médias Mobile, s’est trouvé de plus conforté par la Commission européenne qui l’a inscrit, le 17 mars 2008, comme norme de l’Union sous la référence EN 302 304.
La norme DVB-H introduit trois nouveautés par rapport au DVB-T :
- Le flux de données n’est plus transmis de manière continue, mais en rafales, découpées dans le temps (ce mécanisme s’appelle le « time slicing »). Ainsi, le terminal mobile reste inactif la plupart du temps, et ne s’éveille que lors de la réception d’une rafale, divisant ainsi sa consommation d’énergie par 10 ;
- Un code de correction d’erreurs plus robuste a été introduit, le MPE-FEC (Multi Protocol Encapsulation – Forward Error Correction). Ce mécanisme permet d’assurer une meilleure qualité de services lors d’une réception à vitesse élevée (< 200 km/h), ou lors du changement de cellule de réception ;
- Une modulation 4K a été introduite. Ce mode optionnel permet un compromis entre le mode 2K du DVB-T (vitesse élevée possible, mais zone de couverture réduite) et le mode 8K (vitesse plus faible, pour une couverture plus grande). Cette modulation permet une compatibilité plus forte avec un réseau DVB-T, un même multiplexe pouvant accueillir les deux normes.
La conception de la norme DVB-H à partir de la norme de la télévision numérique terrestre DVB-T :

Source : « Évolution de la télévision numérique et les implications sur la gestion du spectre attribué au service de radiodiffusion », séminaire régional sur la télévision numérique UIT- ARPT, 4 et 5 décembre 2007.
Les paramètres des différents modes de transmission OFDM possibles de la DVB-H :
Paramètres OFDM | Mode de transmission 2K | Mode de transmission 4K | Mode de transmission 8K (préconisation du Forum Médias Mobile) |
Porteuses globales (taille FFT) | 2 048 | 4 096 | 8 192 |
Porteuses modulées | 1 705 | 3 409 | 6 817 |
Porteuses utiles | 1 512 | 3 024 | 6 048 |
Durée de symbole OFDM (µS) | 224 | 448 | 896 |
Intervalle de garde (µS) | 7, 14, 28, 56 | 14, 28, 56, 112 | 28, 56, 112, 224 |
Espacement entre porteuses (kHz) | 4 464 | 2 232 | 1 116 |
Distance maximale entre les émetteurs et répétiteurs | 17 km | 33 km | 67 km |
Source : Tableau extrait de l’ouvrage de Michael KORNFELD et Ulrich REIMERS, DVB-H, the emerging standard for mobile data communication, Institut des techniques de Communications de Brunswick, janvier 2005. En comparaison du mode de diffusion de la TNT, la distance maximale entre les émetteurs est relativement faible. L’adage « Sur une zone réduite, il faut perdre en puissance pour gagner en qualité de réception » est mis en évidence.
D’autre part, pour la bande de fréquences à 2 GHz et seulement pour cette bande de fréquences [5], le DVB-SH, standard de diffusion hybride satellite et terrestre (norme ETSI EN 302 583) est autorisé. C’est une technologie que l’Agence de l’innovation industrielle a subventionné de manière partielle à hauteur de 38 millions d’euros [6]. Le DVB-SH a été la norme intégrante du projet de la société Solaris Mobile et du projet d’Alcatel dénommé Télévision mobile sans limite (TVMSL).
Suite aux différentes expérimentations dans la bande de fréquence UHF avec la technologie DVB-H et DVB-SH, plusieurs acteurs ont fait part de leur volonté de promouvoir le DVB-SH pour le réseau de diffusion terrestre. L’arrêté du 24 septembre 2007 laissant cette possibilité ouverte.
La norme DVB-SH s’est retrouvée spontanément valorisé :
- Elle abaisse les frais d’investissement par deux [7]. Pour chacune des chaînes de télévision, il en coûtera ainsi 2,2 millions d’euros par mois pour couvrir 30 % de la population si elle emprunte un réseau DVB-SH au lieu de 4,4 millions pour un réseau DVB-H ;
- Elle ne risque pas de brouiller un autre service ou d’être brouillée. Alors que le DVB-H dans la bande UHF (fréquence 730 – 750 MHz pour la TMP) risque de brouiller la TNT, le DVB-SH est au-delà des bandes Telco 2G/3G ;
- Elle permet de réutiliser les structures déjà en place (antennes 3G, facilité des autorisations d’implantation) ;
- Elle est une technologie adoptée par de nombreux acteurs économiques français : Alcatel-Lucent pour les émetteurs terrestres, DibCom [8] pour les démodulateurs (puces intégrables dans les terminaux mobiles), TeamCast pour les modulateurs, Sagem pour la conception des terminaux mobiles, TowerCast (réseau d’émetteurs terrestres), Eutelsat (opérateur de satellites dont la France est actionnaire).
Suite à l’annonce d’une offre par Télédiffusion de France (TDF) et Omer Télécom [9] (Virgin Mobile), la norme MediaFLO de Qualcomm Incorporated est revenue sur le devant de la scène. Moins coûteuse en termes de déploiement technique par rapport aux normes DVB-H/DVB-SH, elle offre l’avantage aux utilisateurs d’être répandu sur les terminaux mobiles et aux éditeurs de développer des services interactifs annexes (vote par service de messageries SMS notamment). Qualcomm serait en négociation avec TDF pour l’adoption de sa norme (« projet 360 degrés »), en échange d’une prise de participation à hauteur de 49 % dans le capital de MobMux (société de TDF) [10].
Le Gouvernement se retrouve ainsi au mois de juin 2011 face à trois problématiques majeures :
- valider une norme américaine, soumise aux royalties de la société Qualcomm (qui détient déjà la 3G américaine), au détriment de l’écosystème européen ;
- assumer les contestations légitimes des sociétés de l’Union ayant fondées leurs développements sur les normes DVB-H/DVB-SH ;
- attribuer des fréquences pour les récupérer ultérieurement, le temps que soit mise au point une nouvelle norme, telle que le DVB-NGH en 2014. Actuellement en phase de conception par le forum DVB, cette technologie faciliterait en théorie les passerelles avec le réseau 4G.
Notes :
[1] L’autorité de régulation des Communications et des Postes (anciennement ART) est un organisme français chargé de réguler les télécommunications ainsi que de réglementer le secteur des postes. Ses activités vont de la délivrance de permis pour réseaux indépendants à la sanction en cas d’infraction. Ses décisions relèvent pour partie du juge administratif et judiciaire (Cour d’appel de Paris). Elle règle aussi les litiges d’interconnexion et d’accès des opérateurs aux réseaux.
[2] La bande de fréquences UHF (Ultra High Frequencies) est comprises entre 300 MHz et 3 GHz. Elle correspondant à une longueur d’onde comprise entre 1 mètre et 10 centimètres. En France, la bande 470 – 830 MHz (canaux 21 à 65) est affectée au CSA (en tant que « service de radiodiffusion ») à titre exclusif et à l’ART (en tant que « service mobile ») à titre secondaire, avec utilisation limitée aux auxiliaires de radiodiffusion ; la bande 830 – 862 MHz (canaux 66 à 69) est affectée au ministère de la Défense (en tant que « service mobile ») à titre exclusif, avec utilisation possible pour la radiodiffusion par le CSA dans les conditions fixées par un accord entre le ministère de la Défense et le CSA.
[3] Le Digital Video Broadcasting est un consortium né en 1993, regroupant plus de 260 industriels mondiaux couvrant toute la chaîne audiovisuelle et développant des spécifications pour la télévision numérique qui sont ensuite normalisées par l’ETSI (European Telecommunications Standards Institute) ou le CENELEC (Comité Européen de Normalisation Électrotechnique). Les normes issues du DVB couvrent tous les vecteurs de diffusion de la télévision : le câble (DVB-C), le satellite (DVB-S et maintenant DVB-S2), le terrestre hertzien (DVB-T), la diffusion vers les terminaux mobiles (DVB-H), mais aussi la télévision interactive (MHP) et les services associés (sous-titrage, guide électronique des programmes, contrôle parental).
[4] Lancé le 23 novembre 2004 par Patrick DEVEDJIAN, alors ministre délégué de l’Industrie, le Forum TV mobile réunit plusieurs sociétés, actives sur l’ensemble de la chaîne de valeur : Opérateurs de téléphonie mobile, chaînes de télévision, diffuseurs hertziens et satellite, constructeurs de terminaux, réseaux, logiciels, créateurs de contenus et institut de mesure d’audience. On y retrouve Alcatel-Lucent, Alliance TICS, Allociné, Astra, BFM TV, Bouygues Telecom, DiBcom, Direct 8, Envivio, Eutelsat, Expway, France Télévisions, Groupe Canal +, Groupe Sporever, Irdeto, Iwedia Technologies, Lagardère, M6, Médiamétrie, Mediatvcom, Motorola, Nagravision, NDS, NRJ Group, Orange, Rohde & Schwarz, SACD, Sagem Communication, Samsung, SFR, Sopleased, Streamezzo, TDF, TF1, Thomson, Towercast (filiale de NRJ), UDcast, VDL et Vivendi (détenant SFR à 56 %).
[5] Le DVB-SH n’est autorisé par l’arrêté du 24 septembre 2007 qu’en bande S, et non en bande UHF. Une modification de cet arrêté est donc nécessaire, le cas échéant, en cas d’autorisation de cette norme en bande UHF.
[6] Le budget total de développement du projet est estimé à 98 millions d’euros.
[7] Estimation d’Olivier COSTE, président de la branche « Mobile Broadcast » d’Alcatel-Lucent, responsable de l’expérimentation de Pau menée entre juillet et décembre 2007, article « Alcatel-Lucent estime que le DVB-SH permet de diviser par deux les coûts de diffusion de la télévision mobile », revue La Correspondance de la Presse, 17 janvier 2008, p. 19.
[8] En septembre 2007, la société DibCom a débloquée plus de 60 millions d’euros de capital-risque, financés à 50 % par Natexis.
[9] Créé en 2004, Omer Télécom est une joint venture entre les groupes Virgin, Carphone Warehouse et Financom. Omer Télécom commercialise en France quatre marques de téléphonie mobile dont Virgin Mobile, Télé2 Mobile, Breizh Mobile et Casino Mobile.
[10] « NKM rencontre P.E. Jacobs, pdg de Qualcomm », quotidien Satellifax, n°3401, 10 juin 2010.